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Présidence de l’Union africaine: Macky Sall à l’épreuve de la guerre en Ukraine

De la dialectique mondiale où s’enchevêtrent multiplicité d’acteurs et diversité de facteurs, apparaît, en toile de fond, cette vérité clamée par le Chancelier Bismarck qui veuille que «la seule constante de l’histoire soit la géographie.» La guerre en Ukraine qui s’y nourrit profondément plonge ses racines dans cette tragédie de l’histoire continue de la géographie. Cette même assertion préfigure la géographie, pour ne pas dire la géopolitique mondiale qui dessine les contours de la scène internationale.

Pour camper sommairement cette guerre dans son contexte évolutif qui configure les relations internationales, quelques repères fondamentaux méritent d’être convoqués :

-la Russie et l’Ukraine dans leur trajectoire fusionnelle ont constitué les piliers de l’empire Russe de l’URSS dans le creuset civilisationnel(slave), religieux(orthodoxe), sécuritaire, économique, financier, énergétique, stratégique, agricole et industriel ;

-la chute du mur de Berlin en 1989 et celle du glacis soviétique dans le prolongement de la glasnost et de la pérestroïka en 1991 a bouleversé l’ordre interne par l’accession à la souveraineté pleine et entière de l’Ukraine, et l’ordre international par l’unipolarité à prédominance occidentale sur la bipolarité OTAN-Pacte de Varsovie ;

-l’évolution de 1991 à nos jours a consacré l’ambivalence d’une domination du monde occidental concomitamment à l’émergence de nouveaux pôles de puissance sur l’échiquier international : la Chine, l’Inde, la Turquie, rééquilibrant ainsi le jeu international ;

-cette tendance ascendante du multilatéralisme a ouvert un champ d’émergence à l’Afrique dans une vision novatrice et ambitieuse.

C’est dire que cette guerre déclenchée par la Russie au nom de ses intérêts géostratégiques, vise après l’absorption de la Crimée et l’occupation en cours du Donbass, à élargir l’espace vital russe dans sa lutte d’influence mondiale, en quête de reconquête.

Les interventions marquées en Syrie et remarquées en République centrafricaine et au Mali sont des reflets fidèles de cette entreprise de redéploiement géostratégique. Celle en cours contre l’Ukraine constitue un tournant par son ampleur, sa massivité, son impact sur la marche du monde. L’ordre mondial défini sur les cendres de la Deuxième Guerre mondiale se redéfinit à partir de ce désordre international. C’est dans ce contexte qu’il convient de mesurer la gestion de ce dossier fort complexe par Son Excellence Macky Sall, Président du Sénégal, Président en exercice de l’Union africaine, à l’aune de ses aspects multidimensionnels : sécuritaire, géostratégique, économique, financier, énergétique et alimentaire.

Au demeurant la prise en compte de ses dimensions fortement imbriquées, adossées aux normes et principes fondamentaux rythmant la cadence du monde, sous-tendues tout naturellement par les intérêts vitaux de l’Afrique, dans leur globalité, semblent guider le Président dans ce difficile équilibre.

En filigrane, on pourrait décrypter, au moins, trois lignes directrices, dans cette direction : défense des règles et pricnipes, réalisme dans la résolution des équations, projection sur un monde rénové plus juste pour l’Afrique.

Le communiqué publié dès le déclenchement de l’intervention, les résolutions votées au sein des Nations Unies condamnant l’agression de la Russie et le recours à la force, demandant l’arrêt des hostilités, réaffirmant le respect des normes internationales, le règlement pacifique des différends participe clairement de cette défense. Du reste, le berceau du non alignement s’alimente de cette sève nourricière à la source de la Charte des Nations Unies.

Certains votes abstentionnistes africains qui ont fortement irrité nos alliés occidentaux, les passerelles de dialogue maintenues avec la Russie paraissent s’inscrire dans cet équilibre fragile.

Le déplacement du Président Macky Sall à Sotchi traduit éloquemment cette ligne empreinte de principe et de réalisme à l’endroit de la Russie puissance militaire, membre du Conseil de sécurité disposant d’immenses ressources énergétiques.

Du reste, le dirigeant russe, en fin joueur d’échecs, n’aura pas manqué de jouer sur la magie des images pour faire diffuser, sur la forme, contrairement aux usages diplomatiques, les échanges protocolaires à l’accueil, occultant ainsi les trois(3) heures d’entretien de fond, recoupant l’intégralité de la position africaine.

Fort heureusement, le Président a subtilement rappelé la vision globale de l’Afrique dans une interview gommant ainsi les critiques «d’un déplacement supposé axé sur une conséquence(blé) que sur la cause(l’agression).» 

Du reste, un déplacement à Kiev, suite aux échanges au sommet avec l’Union européenne en vidéo-conférence conforterait cette ligne équilibrée alliant à la fois respect des principes cardinaux et réalisme diplomatique répondant aux préoccupations majeures de l’Afrique, en phase avec la communauté internationale. C’est avec la même grille de lecture que l’on pourrait décrypter les initiatives novatrices prises par le Président pour renforcer la position du continent sur l’échiquier mondial comme défendu au G7 à Berlin.
Elles s’illustrent dans tous les domaines :

-diplomatique avec une participation active au sommet du G7 et la validation de sa demande de participation au rendez-vous mondial du G 20 en qualité de membre. L’impulsion donnée pour une place de choix en faveur de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité, comme membre permanent se nourrit de cette vision novatrice ;

-sur le plan sanitaire les actions fortes menées contre la Covid 19 et les autres formes de pandémie se traduisant par le lancement effectif d’usine de production de vaccins sur le continent du plus grand bateau-hôpital «Mercy Ship» au Sénégal ;

-sur le plan économique et financier, les démarches constantes en faveur d’une gouvernance mondiale plus juste, plus équitable, plus équilibrée, plus ouverte dans un partenariat «sans exclusive, sans exclusivité» pour reprendre sa formule, commencent à donner des résultats fort appréciables.

Les fortes mesures prises pour la résilience sanitaire, l’investissement massif, la valorisation des ressources énergétiques, minières, agricoles, des infrastructures, s’inscrivent parfaitement dans cette dynamique d’émergence de l’Afrique.
Tels sont esquissés quelques éléments saillants d’une analyse d’étape de la présidence par le Chef de l’Etat :  de l’Union africaine dans ce contexte particulièrement difficile de guerre ouverte en Ukraine qui a profondément bouleversé l’architecture du monde dans toutes ces dimensions.

                                                                                    Amadou DIOP,

                                                                          Ancien Ambassadeur

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